A peine âgée de dix ans, une petite fille jouait dans une cour. Sans se retourner ni voir la porte s’ouvrir, l’enfant se précipita vers celle-ci. Un homme assez imposant à costume entra, et dès qu’il vit la fillette accourir vers lui, il se baissa, s’accroupit et ouvrit les bras avec un large sourire.
‒ Papa !
Pudding entoura le cou de son père de ses petits bras et colla sa tête contre sa poitrine. Elle pouvait entendre ses battements de cœur, tambourinant très fort telle une batterie, et cela lui procurait une immense joie. L’homme passa sa grande main dans les cheveux courts de sa fille ; la caressant avec amour. Il faisait des va-et-vient sur sa tête, avec une éternelle douceur. La jeune fille mit sa tête dans le cou de son père et elle put sentir par la même occasion son parfum d’eau de Cologne. Ah, ce qu’elle aimait cette odeur. Un mélange de diverses plantes et fleurs sauvages, il avait dit.
Le père et la fille s’étreignirent ainsi quelques secondes avant de se lâcher. L’homme embrassa sur la joue Pudding et se releva avec une facilité déconcertante.
Pudding prit alors la main de son paternel et la serra tendrement. Celui-ci l’enveloppa et commença à marcher lentement. La jeune fille suivit.
Ils rentrèrent dans la maison au style anglais et aux teintures claires. C’était une jolie maison, assez bien décorée. L’homme rangea son sac qu’il portait et enleva sa veste pour l’accrocher au porte manteau de l’entrée.
‒ Tu veux manger quoi ce soir, Elizabeth ?
‒ De la blanquette !
Le père ébouriffa les cheveux de Pudding avant que celle-ci se positionne en face de lui et l’agrippa par le bas de chemise.
‒ Je peux marcher avec tes pieds ?
Il ne répondit pas, l’invitant juste à venir en tendant les bras. L’enfant mit alors ses pieds sur ceux de son père, lui prit les mains pour ne pas qu’elle tombe en arrière et son paternel commença alors à marcher vers la cuisine. Une fois arrivés dans la petite pièce, elle descendit; et doucement, très doucement comme pour ne pas le briser, Pudding sortit de sous sa robe un pendentif - ou plutôt un petit boitier suspendu à une chaîne argentée.
C'était une boîte en argent gravée de petits dessins très jolis. Il fallait simplement séparer les deux parties pour l'ouvrir et y découvrir le contenu.
Henry, quand à lui, était occupé a préparer le repas. Pendant qu'il regroupait les ingrédients et chauffait une grande marmite de fer, il dit à Pudding dans sa lancée de sortir mettre la table, et de préparer huit couverts. La petite n'en demanda pas plus et courra s'y mettre tout de suite. Une fois que le repas était prêt, la sonnette retentit. Le père alla vers la porte, et, pour une raison que Pudding ignorait, son père mit un certain instant avant d'ouvrir. Finalement, quand elle allait demander ce qui n'allait pas, il tourna la poignée.
Six hommes en costume saillant et au regard assez gentillet étaient positionnés devant Henry. Celui-ci prit dans les bras celui qui était en première ligne, et serra la main des cinq autres. Ils étaient des géants, aux yeux de Pudding. Lorsqu'ils s'avançaient vers elle avec un sourire, un sentiment de malaise la parcourut. Mon imagination, pensa-t-elle.
Une fois à table, les hommes et son père discutaient gaiement, et la petite fille mangeait tranquillement sa blanquette de veau absolument délicieuse, avant que l'homme qu'avait enlacé son père se lève brusquement. Les autres suivirent et sortirent un pistolet de leur pantalon.
‒ Fini de plaisanter, Henry.
Pudding ne comprenait pas ce qu'il se passait et lâcha sa fourchette, tétanisée. Son père n'osa pas regarder yeux dans les yeux les hommes en costume, ni même la fillette. Il ne faisait que de regarder au loin. Une des personnes armées pointa son arme sur la tempe d'Henry.
‒ On t'a démasqué. Tu travailles pour les salopards d'esclavagistes de Dark Wood Circus. Ou est la liste des autres, et des enfants que vous voulez capturer ?
Il ne disait rien, et se contentait de ravaler ses larmes en serrant les dents. La jeune fille était tétanisée et ne pouvait, elle, contenir ses cris. Elle répétait sans cesse « Arrêtez » « Ne lui faîtes pas de mal » « Laissez mon papa ! » Mais ils ne bougeaient pas d'un pouce, attendant la réponse.
Finalement, en versant une larme, Henry pointa, tout en tremblotant, sa fille.
‒ Elle a le code de l'emplacement des listes dans son collier...
Ils se retournèrent et prirent par le cou l'enfant. Celle-ci se débattait du mieux qu'elle le pouvait, en vain. Elle appelait à l'aide, l'aide de son père; mais elle ne venait pas. Un homme prit la fameuse petite boîte et l'ouvrit. Elle y contenait deux bouts de papier, ou il y était inscrit dessus un code. L'homme costume se gratta la tête avant de se tourner vers Pudding, puis Henry.
‒ Tu sais qu'elle va devoir mourir, vu qu'elle nous connais. Cependant, tu nous seras toujours utile. Tu pourras récolter plus d'infos sur tes collègues.
Pudding tremblait de peur. Toute sa considération envers son père, tout son amour envers lui s'était évaporé. Un homme armé vint s'avancer vers elle, alors qu'elle reculait pour finalement arriver dos au mur.
‒ Tellement dommage, une si jeune fille...
Le pistolet sur son crâne, la fillette ne bougeait pas, incapable de respirer. Le métal froid sur son front ne faisait qu'agrandir sa peur. Le doigt sur la détente, Pudding regardait son père qui la fuyait du regard. Elle ferma les yeux. Une détonation, une vive douleur puis plus rien.
Le néant.